Page:Henri Poincaré - Calcul des probabilités, 1912.djvu/10

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4 INTRODUCTION. un médecin très perspicace et très indiscret venait, une fois les polices signées, renseigner le directeur sur les chances de vie des assurés. Ce médecin dissiperait l'ignorance du directeur, mais il n'aurait aucune influence sur les divi- dendes qui ne sont évidemment pas un produit de cette ignorance. Il. DÉFINITION DU hasard. Pour trouver une meilleure définition du hasard, il nous faut examiner quelques-uns des faits qu'on s'accorde à regarder comme fortuits, et auxquels le calcul des hrobabi- lités paraît s'appliquer; nous rechercherons ensuite quels sont leurs caractères communs. Le premier exemple que nous allons choisir est celui de l'équilibre instable; si un cône repose sur sa pointe, nous savons bien qu'il va tomber, mais nous ne savons pas de quel côté; il nous semble que le hasard seul va en décider. Si le cône était parfaitement symétrique, si son axe était parfaitement vertical, s'il n'était soumis à aucune autre force que la pesanteur, il ne tomberait pas du tout. Mais le moindre défaut de symétrie va le faire pencher légèrement d'un côté ou de l'autre, et dès qu'il penchera, si peu que ce soit, il tombera tout à fait de ce côté. Si même la symétrie est parfaite, une trépidation très légère, un souffle d'air pourra le faire incliuer de quelques secondes d'arc; ce sera assez pour déterminer sa chute et même le sens de sa chute qui sera celui de l'inclinaison initiale. Une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard. Si nous con- naissions exactement les lois de la nature et la situation de