Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/122

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peuvent être définis par une phrase de moins de cent mots français et ceux qui ne peuvent pas l'être. En posant la question, nous proclamons implicitement que cette classification est immuable et que nous ne commençons à raisonner qu'après l'avoir établie définitivement. Mais cela n'est pas possible. La classification ne pourra être définitive que lorsque nous aurons passé en revue toutes les phrases de moins de cent mots, que nous aurons rejeté celles qui n'ont pas de sens, et que nous aurons fixé définitivement le sens de celles qui en ont un. Mais parmi ces phrases, il y en a qui ne peuvent avoir de sens qu'après que la classification est arrêtée, ce sont celles où il est question de cette classification elle-même. En résumé la classification des nombres ne peut être arrêtée qu'après que le triage des phrases est achevé, et ce triage ne peut être achevé qu'après que la classification est arrêtée, de sorte que ni la classification, ni le triage ne pourront jamais être terminés.

Ces difficultés se rencontreront beaucoup plus souvent encore quand il s'agira de collections infinies. Supposons que l'on veuille classer les éléments de l'une de ces collections et que le principe de la classification repose sur quelque relation de l'élément à classer avec la collection tout entière. Une semblable classification pourra-t-elle jamais être conçue comme arrêtée ? Il n'y a pas d'infini actuel,