Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/165

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Cet argument laisse bien entendu les Pragmatistes froids; quelque bavard que soit un homme, l'humanité sera plus bavarde encore et comme nous ne savons pas combien de temps elle durera, nous ne pouvons pas limiter d'avance le champ de ses investigations ; nous savons seulement que ce champ restera toujours limité ; et quand même nous pourrions fixer la date de sa disparition, il y a d'autres astres qui pourraient reprendre l'œuvre inachevée sur la Terre ; les Pragmatistes n'auraient d'ailleurs pas de répugnance à imaginer une humanité beaucoup plus bavarde que la nôtre, mais conservant encore quelque chose d'humain ; ils se refusent à raisonner sur l'hypothèse de je ne sais quelle divinité infiniment bavarde et susceptible de penser une infinité de mots en un temps fini. Et les autres pensent au contraire que les objets existent, dans une sorte de grand magasin, indépendamment de toute humanité ou de toute divinité qui pourrait en parler ou y penser; que dans ce magasin nous pouvons faire notre choix, que sans doute nous n'avons pas assez d'appétit ou assez d'argent pour tout acheter ; mais que l'inventaire du magasin est indépendant des ressources des acheteurs. Et de ce malentendu initial résultent toutes sortes de divergences de détail.

Prenons pour exemple le théorème de Zermelo, d'après lequel l'espace est susceptible d'être trans-