Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/258

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pas en réalité l'importance qu'on lui attribuait et ne nous faisait illusion que par son ancienneté vénérable, si l'on démontre cela, en admettant que cette démonstration soit possible, la vie morale de l'humanité en va-t-elle être ébranlée ? De deux choses l’une, ou bien cette coutume est utile, et alors une science raisonnable ne pourra démontrer qu'elle ne l'est pas ; ou elle est inutile et on ne devra pas la regretter. Du moment que nous plaçons à la base de nos syllogismes un de ces sentiments généreux qui engendrent la moralité, c'est encore lui, et par conséquent, c'est encore la morale, que nous devons retrouver à la fin de toute notre chaîne de raisonnements, si elle a été conduite conformément aux règles de la logique ; ce qui risque de succomber, c'est ce qui n'est pas essentiel, ce qui n'était dans notre vie morale qu'un accident ; la seule chose qui importe, ne peut pas ne pas se trouver dans les conclusions puisqu'elle est dans les prémisses.

On ne doit redouter que la science incomplète, celle qui se trompe ; celle qui nous leurre de vaines apparences et nous engage ainsi à détruire ce que nous voudrions bien reconstruire ensuite, quand nous sommes mieux informés et qu'il est trop tard. Il y a des gens qui s'entichent d'une idée, non parce qu'elle est juste, mais parce qu'elle est nouvelle, parce qu'elle est à la mode ; ceux-là sont de