Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/273

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armes différentes, combattent le même ennemi se rappellent-ils si rarement qu’ils sont des alliés ? Pourquoi les uns se réjouissent-ils parfois des défaites des autres ? Oublient-ils que chacune de ces défaites est un triomphe de l’adversaire éternel, une diminution du patrimoine commun ? Oh ! non, nous avons trop besoin de toutes nos forces pour avoir le droit d’en négliger aucune ; aussi, nous ne repoussons personne, nous ne proscrivons que la haine.

Certes la haine aussi est une force, une force très puissante ; mais nous ne pouvons nous en servir, parce qu’elle rapetisse, parce qu’elle est comme une lorgnette dans laquelle on ne peut regarder que par le gros bout ; même de peuple à peuple la haine est néfaste, et ce n’est pas elle qui fait les vrais héros. Je ne sais si, au delà de certaines frontières, on croit trouver avantage à faire du patriotisme avec de la haine ; mais cela est contraire aux instincts de notre race et à ses traditions. Les armées françaises se sont toujours battues pour quelqu’un ou pour quelque chose, et non pas contre quelqu’un ; elles ne se sont pas moins bien battues pour cela.

Si, à l’intérieur, les partis oublient les grandes idées qui faisaient leur honneur et leur raison d’être pour ne se rappeler que leur haine, si l’un dit : « Je suis anti-ceci », et que l’autre réponde :