Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/274

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« Moi, je suis anti-cela », immédiatement l’horizon se rétrécit, comme si des nuages s’étaient abattus et avaient voilé les sommets ; les moyens les plus vils sont employés, on ne recule ni devant la calomnie, ni devant la délation, et ceux qui s’en étonnent deviennent des suspects. On voit surgir des gens qui semblent n’avoir plus d’intelligence que pour mentir, de cœur que pour haïr. Et des âmes qui ne sont point vulgaires, pour peu qu’elles s’abritent sous le même drapeau, leur réservent des trésors d’indulgence et parfois d’admiration. Et en face de tant de haines opposées, on hésite à souhaiter la défaite de l’une, qui serait le triomphe des autres.

Voilà tout ce que peut la haine, et c’est justement ce que nous ne voulons pas. Rapprochons-nous donc, apprenons à nous connaître et, par là, à nous estimer, pour poursuivre l’idéal commun. Gardons-nous d’imposer à tous des moyens uniformes, cela est irréalisable, et d’ailleurs, cela n’est pas à désirer : l’uniformité, c’est la mort, parce que c’est la porte close à tout progrès ; et puis, toute contrainte est stérile et odieuse.

Les hommes sont divers, il y en a qui sont rebelles, qu’un seul mot peut toucher et que tout le reste laisse indifférents ; je ne puis savoir si ce mot décisif n’est pas celui que vous allez