Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/275

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dire, et je vous interdirais de le prononcer !… Mais alors, vous voyez le danger : ces hommes, qui n’auront pas reçu la même éducation, sont appelés à se heurter dans la vie ; sous ces chocs répétés, leurs âmes vont s’ébranler, se modifier, peut-être changeront-elles de foi ; qu’arrivera-t-il si les idées nouvelles qu’ils vont adopter sont celles que leurs maîtres anciens leur représentaient comme la négation même de la morale ? Cette habitude d’esprit se perdra-t-elle en un jour ? En même temps, leurs nouveaux amis ne leur apprendront pas seulement à rejeter ce qu’ils ont adoré, mais à le mépriser : ils ne conserveront pas pour les idées généreuses qui ont bercé leurs âmes ce souvenir attendri qui survit à la foi. Dans cette ruine générale, leur idéal moral risque d’être entraîné ; trop vieux pour subir une éducation nouvelle, ils perdront les fruits de l’ancienne !

Ce danger serait conjuré, ou du moins atténué si nous apprenions à ne parler qu’avec respect de tous les efforts sincères que d’autres font à côté de nous ; ce respect nous serait facile si nous nous connaissions mieux.

Et c’est justement là l’objet de la Ligue d’Éducation Morale. La fête d’aujourd’hui, les discours que vous venez d’entendre, vous prouvent suffisamment qu’il est possible d’avoir une foi