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s’est oui ou non déplacé à la façon d’un solide invariable, puisque dans ce cas les indications en question n’ont pas changé. Nos instruments comportent aussi des lunettes avec lesquelles nous faisons des visées, de sorte qu’on peut dire que le rayon lumineux est aussi un de nos instruments.

Notre intuition de l’espace nous en apprendra-t-elle davantage ? Nous venons de voir qu’elle se réduit à une association constante entre certaines sensations et certains mouvements. C’est dire que les membres avec lesquels nous faisons ces mouvements jouent aussi pour ainsi dire le rôle d’instruments de mesure. Ces instruments qui sont moins précis que ceux du savant nous suffisent pour la vie de tous les jours, et c’est avec eux que l’enfant, que l’homme primitif, a mesuré l’espace ou pour mieux dire s’est construit l’espace dont il se contente pour les besoins de sa vie quotidienne. Notre corps est notre premier instrument de mesure ; comme les autres, il se compose de plusieurs pièces solides mobiles les unes par rapport aux autres, et certaines sensations nous avertissent des déplacements relatifs de ces pièces, de sorte que comme dans le cas des instruments artificiels, nous savons si notre corps s’est oui ou non déplacé comme un solide invariable. En résumé, nos instruments, ceux que l’enfant doit à la nature, ceux que le savant doit à son génie, ont comme éléments fon-