Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/89

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que deux de ses éléments puissent, dans certains cas, être regardés comme indiscernables. Or, il n’arrivera jamais que nous puissions dire : je ne puis discerner mon état d’âme actuel de mon état d’âme d’avant-hier à pareille heure.

Il faut donc que, par une opération active de l’esprit, nous convenions de considérer comme identiques deux états de conscience en faisant abstraction de leurs différences. Nous pourrons, par exemple, et c’est le plus simple, faire abstraction des données de certains sens. J’ai dit que je ne pouvais distinguer un poids de 10 grammes d’un poids de 11 grammes ; il est probable pourtant que si j’ai jamais fait l’expérience, la sensation de pression causée par le poids de 10 grammes était accompagnée de sensations olfactives ou auditives diverses, et que quand le poids de 10 grammes a été remplacé par celui de 11, ces sensations diverses avaient varié ; c’est parce que je fais abstraction de ces sensations étrangères, que je puis dire que les deux états de conscience étaient indiscernables.

On peut faire d’autres conventions plus compliquées ; on peut aussi envisager comme éléments de notre continu, non seulement des ensembles de sensations simultanées, mais des ensembles de sensations successives, des suites de sensations. Il faudra ensuite faire la convention fondamentale et