Page:Henri Poincaré - Savants et écrivains, 1910.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XII
introduction

dire que le monde est aussi reconnaissant à l’inventeur anonyme de la roue ou du feu que s’il savait prononcer les syllabes de son nom ? Ai-je besoin d’ajouter que tout le monde ne pense pas ainsi, ou du moins n’agit pas comme s’il pensait ainsi ?

Et cependant j’ai connu des savants qui se souciaient peu de la gloire, et je les signalerai plus loin ; ils se réjouissaient de leurs conquêtes, non comme d’un triomphe personnel, mais comme d’une sorte de succès collectif de l’armée où ils combattaient. Dans cette armée beaucoup de braves soldats sont sans doute morts sans laisser de nom, et après avoir utilement aidé à la victoire commune.

Ce qui avant tout permet de juger les savants arrivés, c’est la façon dont ils accueillent les jeunes. Voient-ils en eux des rivaux futurs, qui peut-être les éclipseront dans la mémoire des hommes ? Ne leur montrent-ils qu’une bienveillance provisoire, qui s’alarmera ou bientôt s’irritera devant des