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SULLY PRUDHOMME

mérités ; tout ému, il s’enfuit et courut chez sa mère. L’émotion du chef d’institution ne fut pas moindre. Cette moisson de lauriers qu’il avait escomptés allait être compromise ? À cette pensée, toutes ses fibres tressaillirent : il courut chez le fugitif ; à quelles excuses s’abaissa-t-il, je l’ignore, mais les intérêts de la maison furent sauvés.

Déjà l’enfant rêvait de se dévouer, de venger la justice outragée. Un de ses camarades avait été battu par un grand : « Tu dois lui rendre les coups que tu as reçus, » lui dit Sully. Le lendemain, tremblant, mais résolu, le pauvre petit marcha droit à l’ennemi. Il attendait, non sans anxiété, les conséquences de son audace, quand il vit son adversaire s’affaisser. C’était Eviradnus, je veux dire Sully, qu’on croyait bien loin et qui surgissait tout à coup. Pour arriver là, il avait dû enfreindre je ne sais combien de règlements scolaires et c’était cela qui lui avait paru difficile, et c’était pourquoi il avait voulu le faire. « Comme il m’aime, disait son camarade, mais ce n’est pas parce qu’il m’aime qu’il a fait cela ; c’est parce que c’est juste. »