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SAVANTS ET ÉCRIVAINS

Quand il était éloigné d’elle, exilé dans son lycée, sa passion s’exaltait et il rêvait des dévouements les plus romanesques :


Alors mon idéal suprême
N’était pas l’inouï bonheur
En aimant d’être aimé moi-même,
Mais d’en mourir avec honneur.


Et pourtant ce n’était pas un enfantillage, puisque toute sa vie n’en devait pas effacer le souvenir.


Quand j’y pense aujourd’hui, je redeviens enfant.


Puis vint l’âge où la jeune fille se maria sans avoir compris, et s’éloigna en disant un gentil adieu à son camarade d’enfance, qui avait cru s’être fait comprendre :


Que vous ai-je donc fait pour me sourire encore
Quand vous ne m’aimez pas ?


Alors commença le deuil, plus cruel puisque c’était celui d’une vivante.


Peut-être la croyez-vous morte.
Non, le jour où j’ai pris son deuil
Je n’ai vu de loin ni cercueil
Ni drap tendu devant la porte.
Et je la perds toute ma vie
En d’inépuisables adieux.