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SULLY PRUDHOMME

Ô morte mal ensevelie
Ils ne t’ont pas fermé les yeux.


Désormais, la vie lui semble sans objet ; désabusé et méfiant, il ne peut plus connaître que ces bonheurs empoisonnés par le doute, et dont on porte d’avance le deuil, comme de ces enfants qui naissent maladifs et voués à la mort.


Hélas, l’habitude en est prise,
Tu n’as que si tard deviné
Combien le doute martyrise.
impérissable une fois né !


Ces bonheurs-là, le moindre bruit les effaroucherait et il leur faut presque le silence de la tombe.


Aimons en paix, il fait nuit noire,
La lueur blême du flambeau
Expire, nous pouvons nous croire
        Au tombeau.


Toutefois, le souvenir d’un amour même malheureux laisse dans l’âme je ne sais quelle douceur qu’on n’échangerait pas pour l’indifférence de ceux qui n’ont pas connu la douleur.