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SULLY PRUDHOMME

toujours renaissante et toujours diverse, voilà des sujets bien dignes de tenter les poètes. Ce ne sont pas ceux que Sully traite de préférence ; ce qu’il admire, c’est l’âme du savant, c’est sa persévérance et son courage.

L’homme n’est pas moins grand quand il donne sa vie pour conquérir la vérité que quand il la risque pour subjuguer une province. Sans doute le savant d’aujourd’hui n’espère plus arracher à la nature son secret d’un seul coup. Il sait que l’œuvre à laquelle il se dévoue est grande, mais il sait aussi qu’il n’en verra pas la fin :


Nous allons conquérir un chiffre seulement.


Qu’importe ? C’est de beaucoup de chiffres comme celui-là que la vérité est faite. Pour avoir ce chiffre, les Argonautes du Zénith n’ont pas reculé devant la mort. C’est en vain que la chair frémissante s’effraye, l’esprit est son maître et, pour poursuivre son idéal, il l’entraîne toujours plus haut.


Ô maître, quel tourment ta volonté m’inflige,
Je succombe. — Plus haut. — Pitié ! — Plus haut, te dis-je.
Et le sable épanché provoque un nouveau bond.