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SULLY PRUDHOMME

les poètes sont précisément ceux qui souffrent de ne pouvoir décrocher les étoiles.

Il n’était pas un sceptique, et pourtant son dernier livre a pour titre : Que sais-je ? Que sais-je ? C’est là qu’aboutissent tous les penseurs, mais que leurs voies sont différentes ! Montaigne n’ose pas dire je ne sais rien ; ce serait encore une affirmation et que sais-je lui semble plus prudent. Sully ne veut pas dire je ne sais rien, parce que toute son âme proteste contre un aveu prématuré d’impuissance qui lui semblerait presque une désertion.

Quelles étaient ses doctrines philosophiques ? Il n’était pas matérialiste, il n’était pas non plus spiritualiste, il l’a dit. Il n’était pas idéaliste, puisqu’il commençait par demander qu’on lui accordât l’existence du monde extérieur, et pourtant ce n’était pas un vrai réaliste puisqu’il comprenait l’énormité de cette concession ; il n’était pas positiviste, lui qui écrivait si tranquillement : « il y a une métaphysique absolue de l’univers. » Mais je m’arrête, il y a dans le vocabulaire philosophique trop de mots qui riment en