Page:Henri Poincaré - Savants et écrivains, 1910.djvu/82

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a éveillé l’esprit des temps nouveaux. Ce pieux hommage, rendu sur une tombe, ne l’empêchait pas de veiller avec un soin jaloux sur les premiers pas de l’héritière. Les meilleurs réformateurs, ceux qui ne détruisent que pour reconstruire, ceux dont les réformes durent, sont ceux qui ont un peu un tempérament de conservateur, et qui, sans ralentir leur marche, jettent quelquefois en arrière un regard attendri sur le passé.

Permettez-moi de vous parler encore de deux livres où Gréard a beaucoup mis de son cœur ; ce sont ceux qu’il a consacrés à la mémoire de Prévost-Paradol et à celle de Scherer ; il était lié à Prévost par une étroite et ancienne amitié qui remontait aux années d’École normale, et c’est pourquoi le portrait qu’il nous a tracé de lui est si plein de vie et si attachant.

Cette amitié était moins fondée sur la conformité des caractères que sur leur contraste harmonieux. Prévost-Paradol, comme si son âme pliait déjà sous je ne sais quel souffle avant-coureur de la suprême tempête, fut un pessimiste précoce. Il l’était parce qu’il était