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savants et écrivains

de son repos, s’il n’avait pas senti que toute cette gloire n’était pas seulement pour lui, mais rejaillissait sur la France.

Tous ceux qui l’ont connu savent quel était l’agrément et la sûreté de son commerce, quel charme délicat s’exhalait, pour ainsi dire, de sa douce modestie, de sa naïve droiture, de la finesse de son esprit. Toujours prêt à s’effacer devant les siens, devant ses amis ou même ses rivaux, il était ce qu’on appelle un « détestable candidat » ; mais, dans notre démocratie, les candidats, c’est ce qui manque le moins.

Qui aurait cru que tant de douceur cachât une âme intransigeante ? Il ne transigeait pas avec les principes généreux dont on l’avait nourri, avec l’idéal moral particulier qu’on lui avait appris à aimer, cet idéal de sincérité absolue, trop haut peut-être pour le monde où nous vivons. Il ne connaissait pas ces mille petits accommodements dont se contente notre faiblesse. Il ne séparait pas d’ailleurs le culte de cet idéal de celui qu’il rendait à la Science, et il nous a montré par un éclatant exemple quelle haute conception