Page:Henry - Le Père Lachaise historique, monumental et biographique.djvu/60

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Christ, il comprit que le silence même avait ses dangers, et prit la parole pour abdiquer son caractère de prêtre. « Citoyens, dit-il, je n’ai point de lettres de prêtrise à vous offrir ; depuis longtemps je les ai détruites ! mais je dépose l’indemnité que je recevais en remplacement de mes anciennes dotations ! » Robespierre appelait Sieyès la taupe de la révolution : « L’abbé Sieyès ne se montre pas, » disait-il, « mais il ne cesse d’agir dans les souterrains de l’assemblée ; il soulève les terres, et il disparaît ; il pousse les factions les unes contre les autres, et se tient à l’écart pour profiter de leurs fautes. » C’était assez juste ! La providence de Sieyès fut le temps : il connaissait la puissance du sophisme sur les masses inintelligentes, et prévoyait les aberrations des partis ; son génie fut toujours de savoir attendre. Collègue de Barras an Directoire, il trama avec Bonaparte sa propre, déchéance. Consul avec le glorieux contempteur de la liberté, il ne tarda pas à découvrir qu’il s’était donné un maître, et non un collègue. Il se perdit ensuite dans le sénat, retrouva la parole en 1815 pour se moquer de l’acte additionnel, où le despotisme le plus pur se colorait du nom de constitution, fut exilé comme régicide après la rentrée des Bourbons, et ne revint en France qu’en 1830. Ses ouvrages ont pour but raffermissement d’un gouvernement constitutionnel sans despotisme ni anarchie, et reposant sur la base de la liberté la plus complète.

Près du tombeau de Sieyès est une pyramide en marbre blanc consacrée à la mémoire de Népomucène LEMERCIER, poète et auteur tragique (277).

LEMERCIER fut un littérateur varié et un philosophe tolérant. Il resta fidèle à la liberté sous l’empire, et ne se prosterna pas sous ce régime qui imposait le silence ou la bassesse aux écrivains. Ses ouvrages dramatiques, pleins d’allusions d’une grande hardiesse pour l’époque, tris que Pinto, Dame censure ou la Corruptrice et autres, lui attirèrent des persécutions. Il combattit par tous les moyens possibles la dictature, cette humiliante tutelle qui enchaîne, sous prétexte de guider, et fut ennemi de Bonaparte parcequ’il y a guerre naturelle entre le génie de la pensée et celui de l’oppression. La chute du grand homme lui permit enfin de respirer. Il excella surtout à présenter les