Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/142

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dieux, il n’est qu’une œuvre humaine, encore que l’auteur ou les auteurs nous en soient inconnus, et il rentre dans la définition large que nous nous sommes faite du poème épique d’après le modèle que nous donnent l’Iliade et l’Odyssée. Seules les dimensions diffèrent : le Râmâyana n’enferme guère moins de 24000 stances de 4 vers de 8 syllabes au moins chacun ; le Mahâbhârata, lui, en a 110000 ! Les deux épopées homériques tout entières se logeraient à l’aise, comme un simple épisode, dans les flancs de ce colosse.

Il est difficile de se faire une idée précise de la genèse de semblables poèmes : l’Inde, dans ses fêtes, en récitait de longs fragments, comme elle aime à y exhiber des idoles gigantesques et des éléphants caparaçonnés de pierreries ; il est probable que les stances ont foisonné sur les lèvres de ses rhapsodes, et que les passages qu’on goûtait le plus furent aussi ceux que l’interpolation respecta le moins. Il est des morceaux de grande étendue, et non toujours des moins remarquables, où elle se dénonce à première vue : telle cette admirable Bhagavad-Gitâ (p. 74 et 119), sur laquelle nous ne reviendrons plus ; tels les deux livres du Mahâbhârata, où Bhîsma agonisant, plus criblé de flèches qu’une pelote d’épingles, trouve encore le temps et la force de réciter à ses compagnons 20000 stances morales de teneur variée. Mais c’est affaire à la critique de texte, quand la publication des diverses recensions l’en aura mise en me-