course du vent. — … Paisible, parfumée, propice, portant la liqueur douce en sa mamelle, gonflée de suc, daigne La Terre me bénir et me dispenser son lait !…
Nous voici, à la lettre, descendus sur terre, où d’ordinaire le Véda ne se plaît que par brèves échappées. Ce n’est pas, cependant, qu’on n’y rencontre, par places, des « tranches de vie » plus complètes encore et plus savoureuses : tel le curieux morceau d’harmonie imitative (Rig-Véda, VII, 103) où le coassement des grenouilles symbolise les chants entonnés par les brahmanes au début de la saison des pluies après leurs vacances d’été ; tel cet hymne du joueur (X, 34), dont on se demande par quel hasard il est entré dans le recueil[1], car il ne contient rien de sacré ni surtout de liturgique. L’ardeur du gain, la détresse de la perte s’y traduisent en images incohérentes, en concetti bizarres et saisissants ; les stances semblent ivres de la fureur dont elles cadencent les accès. Les dés sont vivants, ils palpitent, ils enfoncent leurs crocs brûlants dans le cœur du joueur ; l’épopée postérieure, qui les incarnera en aigles ravisseurs, ne les animera pas mieux ; ou plutôt elle ne saura que transformer en froide allégorie l’horreur désespérée qui se dégage de cette poésie spontanée du Véda, jaillie des profondeurs de l’âme.
- ↑ On a supposé, non sans vraisemblance, qu’il avait été utilisé comme charme magique en vue de gagner au jeu.