Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/91

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qu’un homme quitte ses vieux vêtements pour en endosser de neufs, ainsi l’âme abandonne un corps vieilli et se revêt d’un nouveau corps… » (Bhagavad-Gîtâ, II = Mahâbhârata, VI, 26.)

Ici nous voyons poindre à la fois, et la vulgaire et tardive croyance à la métempsycose, et la doctrine de la multiplicité des âmes, qui nous avertissent que nous ne sommes point dans le Vêdânta pur ; car on sait que le poète s’efforce de le concilier avec le Sâñkhya. Pour le Vêdânta, l’âme individuelle n’est, encore une fois, qu’une illusion entre toutes celles qu’éparpille autour de soi Brahmâ le seul vivant.

Ce pouvoir d’illusion, un Vêdânta postérieur l’a hypostasié, lui aussi, et en a fait une entité femelle. Le Véda le plus ancien possède déjà le nom commun mâyâ, par lequel il désigne la puissance magique el miraculeuse de certains dieux naturalistes, celle qui, par exemple, recouvre de nuages le ciel limpide et en fait jaillir les ondées. C’est cette Mâyâ personnifiée que la doctrine plus moderne associe à son Brahmâ, comme créatrice incessante des apparences changeantes qui déçoivent les simples et leur voilent l’immuable Vérité. Ainsi, de par le parallélisme du Puruṣa et de Brahmâ, de la Prakṛti et de la Mâyâ, malgré la profonde différence de leurs origines, s’atténue encore la distance qui sépare le Sâñkhya du Vêdânta.

Mais, en dépit de cette intrusion syncrétique,