Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/90

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plus haute dignité, qui est la caste sacerdotale et savante. Son symbole est le mot « Oui », car il est l’Unité absolue, le seul être existant ; mais c’est aussi le mot « Non », car aucun attribut n’est vrai de cet ineffable, et l’esprit ne peut l’atteindre qu’en niant résolument toutes les qualités dont la variété constitue les apparences vaines du monde extérieur. Rien ne le limite, rien ne le contient : il est la fleur et l’insecte, l’arbre et l’oiseau, l’astre et le grain de sable, la terre et le ciel ; il est toi, il est moi. L’insensé croit exister : il se réjouit d’une naissance, il s’afflige d’une mort, comme si l’une ou l’autre ajoutait ou enlevait quelque chose à l’infini de l’Être. Le sage sait : « Je suis Brahma. » Il sait que rien ne naît ni ne meurt, parce que rien n’est que la vie, et que la vie ne peut mourir (p. 48). C’est la leçon que, dans le « Cantique du Bienheureux », admirable épisode du Mahâbhârata, redira le dieu Kṛṣṇa, déguisé en cocher de char, à son maître le guerrier Arjuna, pour l’inciter à faire son devoir dans la bataille imminente.

« … Le sage ne se soucie des vivants ni des morts. Jamais ne fut le temps où je n’existais pas, ni toi, ni les princes que voici ; et jamais ne sera le temps où nous tous n’existerons plus… Il n’est pas de naissance de ce qui n’est pas, ni de mort de ce qui est… Celui qui croit tuer, celui qui croit périr, tous deux sont victimes d’une chimère : rien ne tue, rien n’est tué, et ce qui est jamais n’adviendra qu’il ne soit point… De même