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ABALAMOUR–ABENN


Abalamour, prép., à cause de. Empr. fr. ancien par amour (de), « pour l’amour de, à cause de », avec dissimilation de r en l et préfixation de la particule a-.


Abaoué, adv., prép., depuis : à décomposer en aba oué, littéralement « depuis que [ce] fut ». V. sous aba.


Abardaez, s. m., soir. Ce mot très ancien n’a, malgré les apparences, aucun rapport avec deiz « jour »[1]. On en a rapproché le vbr. aperth « victime », pl. aperthou « offrandes », qui représente un celt. *at-ber-to- « apporté » : préf. at-, de même sens que le ad latin (V. sous ad-), et ppe passé du vb. celt. *ber-ô « je porte », lat. ferō, gr. φέρω, etc. (cf. le ppe gr. φερ-τό-ς et voir d’autres dérivés sous aber, kémérout, etc.). De ce mot aperth, une dérivation vbr. *aperthaez > abardaez aurait désigné, dans une religion antérieure au christianisme, le moment où se faisaient les « offrandes », les libations, le repas du soir, d’où « la vêprée ». — Impossible. Étym. inc. (Loth).


Abarz, adv., prép., avant : littéralement « à part », mais sans rapport avec lat. pars, cf. corn. a-barth a-bard, cymr. o barth. Le premier terme étant le préf. a-, le second est un celt. *qerto- < *sqer-to- (ppe passé, cf. *ber-to- sous abardaez, etc.), soit « coupé, divisé », d’où « côté, partie » ; ir. -scert « côté », cymr. parth « partie ». V. une variante de la rac. sous skarz, et cf. peut-être gr. σπαρ-άσσω « je déchire ».


Abek, s. m., cause : mot formé des trois premières lettres de l’alphabet, comme nous dirions « chercher l’a b c d’une chose, l’épeler », pour « la décomposer en ses premiers éléments »[2]. — Conj.


Abéki, abégi, vb., contrefaire. Empr. fr. ancien abéquer[3] : « s’abéquer » à qqun, c’est se mettre bec à bec avec lui, pour mimer par dérision toutes les contorsions de son bec.


Abenn, adv., tout droit, à bout, au bout : exactement « à la tête, à l’extrémité de ». V. sous a- et penn.
  1. Cela résulte à l’évidence de ce que, abarz signifiant « avant », une juxtaposition telle que *abarz-deiz ne pourrait désigner que « la matinée » ou même « l’aube ».
  2. A l’époque où les Bretons ont emprunté l’alphabet romain, et longtemps encore après, ils en ont prononcé le nom abéké, comme faisaient les Romains eux-mêmes. Cf. de nos jours encore, gael. aibidil « alphabet » = ir. aibghitir = vir. abbgitir = lat. abecedārium, et cymr. abcedilros « alphabet » (le c cymr. se prononce k en toute position).
  3. La différence inconciliable de sens empêche de rattacher ce mot au précédent, ou réciproquement. D’autre part, s’il était un composé breton de a- et bék (V. ces mots), il ne pourrait avoir en breton que la forme *avégi.