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ANAOUÉ-ANKOÉ

Anaoué, s. m., anathème, excommunication : le sens originaire a dû être simplement « nomination [solennelle] ». V. sous 2 hanô[1].

Anaoun, s. f. pl., les morts, exactement « les âmes », mbr. anacon = celt. *ana-mon-es[2], dont la racine est ANÄ : gr. ἄνεμος (anemos) « vent », lat. animas et anima, got. anan « respirer », etc. V. d’autres formes de la racine sous alan et éné.

Anaout, vb., connaître, aussi anavout[3] et anaoëzout (L.), anaouein (V.) : dér. du même radical que anat.

Anat, adj., connu, mbr. aznat et haznat (avec aspiration illégitime) : représente un celt. *atigna-to- « bien connu », conservé tout entier dans le n. pr. gaul. Ategnatos. Le second terme[4] est le ppe passé de la rac. GNO « connaître » : sk. jna-tâ-s « connu », gr. γνω-τό-ς (gnô-to-s), lat. gnôtus > nôtus, ir. gnâth, cymr. gnawt « tenu pour » (al. kund « notoire »), etc.

Aṅk, s. m., angle, coin. Empr. fr. altéré angle.

Aṅkelc’her, s. m., feu-follet, lutin, mbr. enquelezr « géant », corn. enchinethel, encinedely qui se ramènent à un celt. *ande-kene-tlo- t soit « génération contraire », d’où « monstrueuse », cf. corn. kinethel « génération », ir. cenél « race ». V. la rac. KEN sous kent, et le préf. sous *an- (4o)[5].

Aṅken, s. f., chagrin, mbr. anquen, cymr. angen « nécessité », ir. écen id. : d’un celt. *ank-enâ 9 dont on peut rapprocher le gr. ἀν-άγϰ-η (an-agk-ê) « nécessité » et peut-être le lat. nec-esse[6].

Aṅkoé, s. m., luette : dér. de la rac. ANK « crochu », au même titre que sk. afïk-â « crochet », gr. ἀγϰ-ύλο-ς (agk-ulo-s) ; « crochu », ἄγϰ-υρα (agk-ura) « ancre », ὄγϰ-ο-ς (ogk-o-s)


    il serait en celt. *ati-gna-but-akos. Le suff. d’adj. -dko- est le même que dans amések et autres. Quant à l’élément -but-, qui est à la base de tous les infinitifs bretons en -out, il se ramène au subst. i.-e, *bhù-ti- « état » (cf. gr. πύ-σι-ς (phu-si-s) « nature »), dér. de la rac. BHÙ a être », sk. bhâc-ati « il est », gr. πύ-εται (phu-etai), lat. fu-it, ag. to be, al. ich bin, etc.

  1. Cette étymologie a contre elle la forme aznaouè (Le Gon.) ; mais il est probable que celle-ci est purement analogique de aznaout > anaout.
  2. Pluriel du même type que le lat. hom-in-es, etc.
  3. Cette dernière forme rend plus visible l’élément radical -but- qui s’est superposé à la racine. Cf. anaoudek et la note.
  4. Pour le premier, voir sous *ad- (préfixe). Noter toutefois que anat ne saurait être identiquement le même mot que aznat, puisqu’on trouve de très bonne heure les formes anat etannat « spécial » en cymrique.
  5. Mais la métathèse qui a donné naissance à la forme actuelle bretonne a évidemment été favorisée par la circonstance que ces êtres fantastiques dansent en rond (an-kelc’h-er comme qui dirait a en-cercl-eur ») autour de leur victime. Cf. kelc’h.
  6. Aucun rapport, par conséquent, avec br. ankou ni avec fr. angoisse, dont la rac. est ANGH (V. sous erïk). Mais il se peut qu’à la base de toutes ces formations se trouve la rac, bien connue ANK a crochu », d’où « pénétrant, torturant ».