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ture ? J’ai des faits nombreux prouvant que les indigents n’ont pas plus de répugnance que les riches pour la viande de cheval. — Arrivé à ce point de mon sujet, je suis saisi d’un certain scrupule, car il est écrit : Lorsque vous faites l’aumône, que votre main gauche ne sache point ce que fait votre main droite. (Évangile S. Matth. vi, 3.) Cependant quand il s’agit de combattre un préjugé si nuisible et si déraisonnable que celui contre lequel nous nous élevons, je crois, au contraire, qu’il faut parler haut, selon cet autre précepte du même évangéliste : Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (S. Matth., v, 16.) En effet, quand je ferais manger de la viande de cheval à toute la ville de Paris, si personne n’en savait rien, le préjugé ne s’en perpétuerait pas moins. En voici la preuve : Appréciant parfaitement les avantages qui résulteraient, pour les classes malheureuses, de la réhabilitation de cet aliment, le Supérieur d’une communauté religieuse en fit manger, dans son établissement, et suivit le conseil que je lui donnai de n’en rien dire, si ce n’est après l’épreuve. Le lendemain, il m’écrivait : « Le bouillon que nous avons mangé à midi était si bon, qu’il n’est guère possible d’en avoir de meilleur. » Dans une autre lettre, il me disait : « Le rôti que vous nous avez envoyé était bien bon, bien tendre… Il a été mangé pour du chevreuil ! En même temps, il m’annonçait qu’ayant parlé plusieurs fois de l’alimentation par la viande de cheval, et qu’ayant remarqué à ce sujet une grande répugnance dans la communauté, il n’avait pas encore osé faire connaître combien cette répugnance était mal fondée, puisque le mets qu’on trouvait si bon comme chevreuil n’était que du cheval.

Pour détruire le préjugé, il faut donc, lorsque l’on fait manger de cet animal, ne pas craindre de le dire. Cette ligne de conduite m’a très-bien réussi auprès des pauvres : ainsi, toutes les semaines, je vais les trouver à la porte de la caserne où ils attendent les restes des soldats ; je leur dis à haute voix que j’ai de la viande de cheval cuite pour huit ou dix d’entre eux, et que ceux qui en désirent peuvent venir m’en demander. Il s’en présente toujours plus que le nombre indiqué. Quelquefois, pour savoir combien, parmi les indigents qui viennent à la caserne, avaient encore de la répugnance, je disais : « J’ai de la viande pour tous ceux qui en veulent. » Eh bien, tous se