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donc procuré de la viande quand j’ai pu, afin de les mettre en mesure d’en parler par expérience. À cette occasion, qu’il me soit permis de citer un fait assez amusant.

M. Reboul, curé de la paroisse Saint-Paul, désirait goûter du cheval avant de le recommander. En conséquence, j’allai l’engager à dîner ; mais il s’excusa, en me disant qu’il était invité par son vicaire.

— Eh bien ! lui dis-je, amenez votre vicaire.

— Cela ne se peut, répartit M. Reboul, il a beaucoup de personnes à dîner.

J’allais me retirer, lorsque mon interlocuteur me dit : — Vous m’assurez que le bouillon et la daube sont de bonne qualité ? Eh bien, envoyez-les nous ce soir. Je vais prévenir mon vicaire.

— Je le veux bien, mais ne mettez nul autre convive dans la confidence, avant la fin du dîner.

À six heures, le bouillon et la daube arrivaient à destination. Voici le résultat de l’expérience, d’après M. Reboul lui-même :

Le bouillon fut trouvé excellent. — Jamais, me dit-il, le lendemain, je n’en ai pris de meilleur. Vinrent ensuite plusieurs plats, mais pas de cheval. Le curé s’adressant au vicaire :

— Mais, M. l’abbé, il me semblait que vous deviez nous offrir une daube.

— Certainement, Monsieur, répondit le vicaire, mais elle a été servie après le bouillon ; vous en avez mangé, et vous l’avez trouvée bonne, puisque vous y êtes revenu.

Alors le secret fut dévoilé, au grand étonnement et à la grande hilarité de tous les convives. Ce qui avait été cause de la méprise, c’est que le nom de daube employé par mon cuisinier n’est pas exact ; il s’agit plutôt de cheval à la mode. Le fait que je viens de rapporter, en quelques mots, prouve, une fois de plus, que l’on peut faire manger du cheval pour du bœuf, même lorsque les convives sont sur leurs gardes.


III

Jusqu’ici j’ai montré que l’aliment qui nous occupe a figuré sur des tables assez bien servies ; mais les pauvres n’ont-ils pas plus de méfiance ? Le dégoût, fruit du préjugé, ne les éloigne-t-il pas de tout ce qui est nouveau, en fait de nourri-