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Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/131

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moyens de subsistance, qui a produit la misère, et la misère la tyrannie[1]. Le Rév. William Tennant, chapelain au service de la Compagnie des Indes orientales, qui écrivait en 1796, deux ans avant la publication de l’Essai sur la population, disait :

« Quand on pense à la grande fertilité de l’Hindoustan, on s’étonne de la fréquence des famines. Elles ne viennent évidemment pas de la stérilité du sol ou du climat ; le mal doit être attribué à quelque cause politique, et il ne faut pas beaucoup de perspicacité pour découvrir qu’il vient de l’avarice et des extorsions des différents gouvernements. Le grand aiguillon de l’industrie, la sécurité, manque. Il s’ensuit que personne ne fait pousser plus de grain qu’il n’en faut pour soi-même, et que la première saison défavorable à la culture produit la famine.

« À aucune période le gouvernement mongol n’offrit pleine sécurité au prince, encore moins à ses vassaux ; pour les paysans, la protection était illusoire. C’était un tissu continuel de violences et d’insurrections, de trahisons et de punitions, avec lesquelles ni le commerce ni les arts ne pouvaient prospérer, et l’agriculture se pratiquer d’une façon systématique. Sa chute donna naissance à un état de choses encore plus malheureux, puisque l’anarchie est pire que la tyrannie. Le gouvernement mahométan était si méprisable que les nations européennes n’eurent même pas le mérite de le renverser. Il tomba sous le poids de sa propre corruption et il a été remplacé par la tyrannie variée de petits chefs dont les droits au commandement consistaient en leur trahison envers l’État, et dont les exactions sur les paysans n’avaient pas plus de limites que leur avarice. Les impôts du gouvernement étaient levés, et le sont encore là où les natifs règnent, deux fois par an par des bandits impi-

  1. Histoire de la Civilisation, vol. I, chap. II. Dans ce chapitre, Buckle a réuni un grand nombre de faits prouvant l’oppression et la dégradation du peuple dans l’Inde depuis les temps les plus reculés ; mais Buckle, aveuglé par théorie Malthus, qu’il avait acceptée et dont il avait fait la pierre angulaire de sa théorie du développement de la civilisation, attribue cette condition malheureuse des Hindous à la facilité avec laquelle on produit sa nourriture dans l’Inde.