Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/132

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toyables formant un semblant d’armée, qui, de gaieté de cœur détruisaient ou emportaient la part du produit que réclamait leur caprice ou leur avidité, après avoir chassé les paysans infortunés des villages dans les bois. Toute tentative faite pour défendre leurs personnes ou leurs propriétés dans les murs de boue de leurs villages, ne faisait qu’attirer sur les utiles, mais malheureux paysans, une vengeance terrible. Ils étaient alors enveloppés, attaqués avec de la mousqueterie et des pièces de campagne, jusqu’à cessation de résistance ; les survivants étaient vendus, leurs habitations brûlées et rasées. Ainsi vous rencontrerez fréquemment les ryots ramassant les restes dispersés de ce qui était hier leurs habitations, si la peur les a laissés y revenir ; mais plus souvent vous verrez les ruines fumant, après une seconde visite de ce genre, sans qu’une créature humaine trouble le silence imposant de la désolation. Cette description s’applique non seulement aux chefs mahométans, mais encore aux rajahs des districts hindous[1]. »

À cette rapacité impitoyable qui aurait produit le besoin et la famine, y aurait-il eu seulement un habitant par mille carré, et la terre aurait-elle été un jardin d’Éden, succéda au début de la domination anglaise dans l’Inde, une nouvelle rapacité impitoyable, appuyée sur une puissance irrésistible. Macaulay dans son essai sur Lord Clive, dit :

« D’énormes fortunes s’entassèrent rapidement à Calcutta, pendant que des millions de créatures humaines étaient réduites à la dernière misère. Elles avaient été accoutumées à vivre sous la tyrannie, mais pas sous une pareille tyrannie. Elles trouvaient le petit doigt de la Compagnie plus pesant que les reins de Surajah Dowlah… C’était le gouvernement de génies du mal plutôt que celui de tyrans humains. Parfois les Hindous se soumettaient, patients dans leur misère. Parfois ils fuyaient devant l’homme blanc comme leurs pères avaient fui devant le Maha-

  1. Récréations Indiennes, par le Rév. William Tennant. Londres, 1804. Vol. I, sect. XXXIX.