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CHAPITRE IV.

RÉFUTATION DE LA THÉORIE DE MALTHUS.

Cette théorie que l’accroissement de population tend à faire baisser les salaires et à produire la pauvreté, est si profondément enracinée, si bien enlacée à d’autres théories professées par l’économie politique courante, elle s’harmonise si bien avec certaines notions populaires, elle peut se présenter sous des formes si différentes, que j’ai pensé qu’il était nécessaire de l’examiner sérieusement, de montrer avec détail l’insuffisance des arguments qui l’appuient, avant de lui faire subir l’épreuve des faits ; car l’acceptation générale de cette théorie ajoute un exemple frappant à tous ceux qu’offre l’histoire de la pensée, pour nous prouver combien les hommes ignorent les faits quand ils sont aveuglés par une théorie pré-acceptée.

Il est facile de faire subir à la théorie l’épreuve suprême, de la mettre en présence des faits. Il est évident que se demander si l’accroissement de population tend nécessairement à abaisser les salaires et produire la pauvreté, c’est simplement se demander si cet accroissement tend à réduire la somme de richesse qui peut être produite par une somme donnée de travail.

Voilà ce que soutient la doctrine courante. La théorie acceptée est que, plus on demande à la nature, moins elle donne généreusement, de sorte que doubler l’application du travail ce n’est pas doubler le produit ; donc l’accroissement de population doit tendre à réduire les salaires et à augmenter la pauvreté, ou, suivant la phrase de Malthus, doit produire le vice et la misère. Voici ce que dit John Stuart Mill à ce sujet :

« Un nombre considérable d’individus ne peuvent pas, dans un état donné quelconque de civilisation, être collectivement aussi bien pourvus qu’un petit nombre. C’est l’avarice de la na-