Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/346

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hommes pendant que la civilisation progresse, sortent d’une grande injustice primitive, de l’appropriation, comme propriété exclusive de quelques hommes, de la terre sur laquelle et de laquelle tous doivent vivre. De cette injustice fondamentale découlent toutes les injustices qui mettent en danger le développement moderne, qui condamnent le producteur de la richesse à la pauvreté, et nourrissent doucement le non-producteur dans le luxe, qui élèvent la maison où s’entassent les locataires à côté du palais, la maison de débauche à côté de l’église, et qui nous forcent à construire des prisons comme nous ouvrons de nouvelles écoles.

Il n’y a rien d’étrange ni d’inexplicable dans les phénomènes qui embarrassent aujourd’hui le monde. Ce n’est pas parce que le progrès matériel n’est pas en lui-même un bien ; ce n’est pas parce que la nature a appelé à l’existence des enfants qu’elle n’a pas de quoi nourrir ; ce n’est pas parce que le Créateur a mis dans les lois naturelles une teinte d’injustice contre laquelle se révolte l’esprit humain, que le progrès matériel rapporte des fruits si amers. Ce n’est pas parce que la nature est avare, mais parce que l’homme est injuste, qu’au milieu de notre civilisation très avancée, on voit des hommes mourir de misère. Le vice et la misère, la pauvreté et le paupérisme, ne sont pas les résultats légitimes de l’accroissement de population et du développement industriel ; ils ne suivent l’accroissement de population et le développement industriel que parce que la terre est considérée comme propriété privée ; ils sont les résultats directs et nécessaires de la violation de la loi suprême de justice, que forme l’acte de donner à quelques hommes la possession exclusive de ce que la nature offre à tous les hommes.

L’admission de la propriété individuelle de la terre est la négation des droits naturels des autres individus — c’est une injustice qui doit se montrer dans la distribution non équitable de la richesse. Car, comme le travail ne peut produire sans faire usage de la terre, la négation du droit égal à l’usage de la