Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/357

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les landlords anglais ont exercé leurs droits comme ils le voulaient, suivant les mœurs des temps. Après avoir éludé pour eux-mêmes l’obligation de pourvoir à la défense du pays, ils n’ont pas réclamé longtemps de leurs tenanciers le service militaire, et aujourd’hui la possession de la richesse et du pouvoir ne se manifestant plus par la quantité énorme de serviteurs, ils n’ont plus requis le service personnel. Mais ils surveillent ordinairement les votes de leurs fermiers, et les dirigent dans une foule de petites choses. Ce « père en Dieu justement révéré, » l’évêque Lord Plunkett, expulsa un certain nombre de ses pauvres tenanciers irlandais parce qu’ils ne voulaient pas envoyer leurs enfants aux écoles protestantes du dimanche ; des crimes bien plus sombres sont attribués au comte de Leitrim auquel Némésis tarda si longtemps d’envoyer le billet d’un assassin ; pendant que, sur les froids conseils de la passion, on abattait cottage après cottage, des familles et des familles étaient jetées sur les grandes routes. Le principe qui rend ceci possible est le même qui, dans des temps plus grossiers et un état social plus simple, asservit les masses, et creusa un fossé si profond entre le noble et le paysan. Là où le paysan fut fait serf, ce fut simplement en lui défendant de quitter la terre sur laquelle il était né, en produisant ainsi artificiellement la condition que nous avons supposée exister sur l’île. Dans les pays peu peuplés il est nécessaire de produire l’esclavage absolu, mais dans les pays très peuplés, la compétition peut produire les mêmes effets. Entre la condition du paysan irlandais forcé de payer une rente et celle du serf russe, l’avantage devait être pour beaucoup de choses du côté du serf. Le serf ne meurt pas de faim.

Comme je crois l’avoir suffisamment prouvé, c’est la même cause qui, à toutes les époques, a dégradé et asservi les classes ouvrières, et qui agit aujourd’hui dans le monde civilisé. Par tout on accorde la liberté personnelle, c’est-à-dire la liberté de se mouvoir ; on ne trouve aucun vestige d’inégalité légale et