Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/450

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qu’on considère l’effet du remède sur la distribution de la population. La destruction des valeurs foncières de spéculation tendrait à éparpiller la population là où elle est trop dense et à la concentrer là où elle est trop éparse, à substituer à la maison louée la maison entourée de jardins, et à coloniser complètement les districts agricoles avant de forcer les gens à s’isoler pour trouver des terres. Le peuple des villes aurait donc par là plus de l’air pur et du soleil de la campagne, le peuple de la campagne plus des économies et de la vie sociale de la ville. Si, comme il n’y a pas de doute, l’application des machines à l’agriculture tend à agrandir les champs, la population agricole reprendra la forme primitive et se groupera en villages. La vie du fermier ordinaire est aujourd’hui inutilement lugubre. Non seulement il est obligé de travailler de bonne heure et tard, mais il est privé, par l’éparpillement de la population, des jouissances, des avantages, des facilités pour l’éducation, et des occasions de développement intellectuel et social, qui viennent du contact plus intime de l’homme avec l’homme. Il serait beaucoup mieux pour lui, sous tous ces rapports, et son travail serait beaucoup plus productif, si lui et ceux qui l’environnent ne détenaient pas plus de terre qu’ils n’ont besoin d’en cultiver[1]. Et ses enfants, à mesure qu’ils grandiraient, ne seraient pas si entraînés à chercher les excitations des villes, ni forcés de tant s’éloigner pour trouver une ferme. Leurs moyens d’existence seraient entre leurs mains et chez eux.

En résumé, le fermier travaillant est à la fois un ouvrier et un capitaliste, aussi bien qu’un propriétaire, et c’est par son

  1. À côté de l’énorme accroissement de puissance productive du travail qui résulterait d’une meilleure répartition de la population, il y aurait aussi une économie semblable dans la puissance productive de la terre. La concentration de la population dans les villes, population nourrie par la culture épuisante de grandes surfaces peu peuplées, produit littéralement la perte dans la mer de nombreux éléments de fertilité. On peut voir combien ce gaspillage est grand par les calculs qui ont été faits sur les eaux d’égout de nos grandes villes, et son résultat pratique est la diminution de productivité de la culture sur de grandes étendues. Dans des parties considérables des États-Unis nous épuisons rapidement nos terres.