Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/464

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de nourriture ; mais pour la deuxième, aucun règlement ne dirigeait le service, et les repas étaient souvent de vraies batailles. Dans les premières, au contraire, chacun avait sa place désignée d’avance, personne ne craignait de manquer, et on n’y voyait aucune trace de lutte. La différence n’était pas dans le caractère des gens, mais simplement dans le fait. Les passagers de première transportés en seconde auraient participé à cette lutte d’avidité, et les passagers de seconde transportés en première seraient devenus immédiatement polis et pleins de décorum. La même différence se montrerait dans la société en général si la distribution actuelle injuste de richesse était rem placée par une juste distribution.

Considérons ce fait d’une société cultivée et raffinée, dans la quelle toutes les passions grossières sont tenues en échec, non par la force, non par la loi, mais par l’opinion publique et le désir mutuel d’être agréable. Si ceci est possible pour une partie d’une communauté, cela est possible pour toute la communauté. Il y a des états de société dans lesquels chacun doit être armé, doit se tenir prêt à défendre d’une main ferme sa personne et sa propriété. Si nous avons dépassé cet état là, nous pouvons progresser davantage.

Mais, dira-t-on, bannir la misère et la crainte du besoin, ce serait détruire le stimulus à l’activité ; les hommes deviendraient de purs paresseux, et un tel état de bien-être général serait la mort du progrès. C’était l’argument des vieux propriétaires d’esclaves que les hommes ne pouvaient être conduits au travail qu’avec le fouet. Rien n’est plus faux.

Le besoin pourrait être banni, mais le désir resterait. L’homme est l’animal non satisfait. Il ne fait que commencer son exploration, et l’univers est ouvert devant lui. Chaque pas qu’il fait ouvre de nouveaux horizons et allume de nouveaux désirs. Il est l’animal constructeur ; il bâtit, il améliore, il invente, il rassemble, et plus la chose qu’il fait est grande, plus il désire en faire une plus grande encore. Il est plus qu’un animal. Quel