Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/539

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la vie, la nécessité croissante de tendre tous ses nerfs pour ne pas être renversé et foulé aux pieds dans la course à la richesse, drainent les forces qui accomplissent et conservent les progrès. Dans chaque pays civilisé le paupérisme, le crime, la folie, les suicides augmentent. Dans chaque pays civilisé nous voyons augmenter les maladies venant des nerfs surmenés, d’une nourriture insuffisante, de logements malsains, d’occupations malsaines et monotones, du travail prématuré des enfants, des travaux et des crimes que la pauvreté impose aux femmes. Dans les pays les plus civilisés, la confiance qu’on avait en l’amélioration de la vie, qui s’était graduellement formée depuis quelques siècles, et qui avait atteint sa plus grande force dans le premier quart de notre siècle, semble diminuer aujourd’hui[1].

Ce ne sont pas là les signes d’une civilisation en progrès. C’est une civilisation qui, dans ses courants cachés, commence déjà à rétrograder. Quand dans une baie ou une rivière, la marée passe du flux au reflux, ce n’est pas tout d’un coup ; mais ici elle va toujours en avant bien que là elle ait commencé à se retirer. Quand le soleil passe le méridien, on ne peut l’affirmer que par la manière dont sont projetées les ombres courtes ; car la chaleur du jour augmente encore. Mais de même qu’il est sûr que la marée encore montante va bientôt redescendre ; de même qu’il est sûr que le soleil déclinant, la nuit approche, de même il est sûr que, bien que la science augmente encore, et qu’on fasse de nouvelles inventions, qu’on colonise de nouveaux pays et que les villes s’étendent, la civilisation a pourtant commencé à décliner quand, en proportion de la population, nous avons dû construire plus de prisons, plus de refuges, plus d’asiles d’aliénés. Ce n’est pas du sommet à la base que meurt la société, c’est de la base au sommet.

  1. Les statistiques qui prouvent tous ces faits ont été réunies dans un volume intitulé : Deterioration and Race Education, par Samuel Royce, et qui a été très répandu par le vénérable Peter Cooper, de New — York. Ce qui est assez étrange, c’est que le seul remède proposé par M. Royce, c’est l’établissement d’écoles dans le genre des Kindergarten.