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accrue à chaque règne de provinces nouvelles et, par l’agrégation de ces éléments disparates, réalisant un ensemble d’une harmonie suprême.

Pour beaucoup de nos contemporains, Fontainebleau, c’est bien plutôt la forêt fameuse, forêt exemplaire dans son incroyable diversité, véritable spicilège du paysage silvestre, où les sites les plus farouches et les sites les plus riants voisinent et, par endroits, ont l’air de s’encadrer mutuellement ; c’est la forêt des chasses royales et des cohues plébéiennes, les « chers déserts » où déjà les rois Capétiens se plaisaient à mener leurs chevauchées, devenus, au cours des temps, le lieu des rendez-vous dominicaux du peuple souverain ; c’est le but d’excursion que recommandent à profusion les affiches des gares et vers lequel, aux mois de vacances, des coalilions de trains de plaisir dirigent infatigablement des multitudes de voyageurs, perquisiteurs consciencieux, attentifs à ne manquer aucun des numéros du catalogue, rochers de semblance animale, chènes perclus de majesté, que des marques voyantes désignent péremptoirement à l’admiration du tourisme facile ; c’est la forêt qui, d’ailleurs, réserve à ses visiteurs plus habituels, à ses familiers, des plaisirs plus délicats, ouvrant à leur flânerie quotidienne des promenoirs privilégiés et déroulant pour eux, de saison en saison, la série de ses spectacles incessamment variés ; c’est, enfin, la forêt illustrée par l’art, la terre d’élection des peintres, l’inspiratrice de glorieuses écoles, la forêt dont les aspects les plus typiques ont été consacrés par le choix du génie et où la lumière même est comme pénétrée du souvenir des chefs-d’œuvre.

Mais le nom de Fontainebleau désigne encore, et plus directement, autre chose. Dans la nomenclature de la géographie officielle, Fontainebleau est une ville de 12,000 et quelques habitants, chef-lieu d’un arrondissement du département de Seine-et-Marne, siège d’un tribunal de première instance, avec tout ce qui s’ensuit.

À vrai dire, la notion d’un Fontainebleau ainsi isolé, d’un Fontainebleau dépouillé de ses attributs les plus ostensibles, d’un Fontainebleau tout nu, si j’ose dire, n’a qu’un champ de circulation assez restreint. Seuls, je crois bien, les indigènes opèrent couramment cette abstraction, et aussi, sans doute, les fonctionnaires qui détiennent cette résidence de choix ou qui la convoitent. Quant au gros du public, il ne parait guère tenir grand compte des prérogatives offi-