Page:Herbet - L'Ancien Fontainebleau, Bourges, 1912.pdf/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
vii

cielles dont se largue Fontainebleau-Ville, et il est à craindre que longtemps encore il ne s’obstine à considérer cette station un peu écartée du P.-L.-M. comme un lieu de passage, comme une annexe du château et de la forêt, n’ayant de raison d’être que de procurer aux voyageurs qu’y amène cette double attraction le couvert, le gîte et les commodités de la promenade.

En effet, ce qui frappe surtout l’étranger qui traverse la ville d’une course hâtive, impatient d’atteindre l’un des objets promis à sa curiosité, c’est, aux abords de la gare, le chœur des cochers de louage se disputant la faveur des arrivants ; ce sont les hôtels multipliés, variant leur façon et graduant leurs prix selon les goûts et les facultés de la clientèle, infiniment diverse, qu’ils sollicitent ; ce sont les ateliers où d’habiles mécaniciens réparent les avaries survenues aux engins de locomotion ; ce sont les boutiques où, sous forme de cartes postales el autres menus souvenirs, les voyageurs animés de l’esprit d’altruisme se procurent les moyens de faire parlager leurs impressions à des amis absents.

Assurément, la subordination du bourg à l’égard du château et de la forêt se manifeste par plus d’un signe. Fontainebleau, d’autre part, ne possède, sur son territoire propre, aucun monument auquel le Guide Baedeker ait décerné l’astérisque. Pourtant, il serait injuste de ravaler l’accueillante cité à un rôle tout à fait subalterne. Le touriste qui y prolongera son séjour au delà du laps de temps que requiert le service d’un déjeuner ou le raccommodage d’un pneu aura vite fait de réformer un classement aussi précipité. Pour peu qu’il s’écarte de la route banale par où s’écoule le flot des caravanes, qu’il donne un coup d’œil au Fontainebleau vrai, au Fontainebleau des Bellifontins ou des Fontainebleaudiens (on ne saurait exiger d’un étranger qu’il emploie avec certitude un ethnique dont la forme orthodoxe a été si abondamment controversée), il s’apercevra que, tout de même, il y a là autre chose qu’une table d’hôte, une remise ou un bazar. Il éprouvera un sentiment de surprise, qu’on peut imaginer agréable, à découvrir, à deux pas du tourbillon touristique, de vastes quartiers dont un inexplicable statut d’immunité a protégé jusqu’à nos jours les habitudes de silence et de calme. La flânerie lui sera douce sur un pavé oublié du chauffeur et que le piéton ne fréquente qu’avec beaucoup de modération. Et peu à peu il se laissera gagner au charme un peu monotone de ces longues rues,