Page:Heredia - Discours de réception, 1895.djvu/16

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les Girondins ou les Funérailles de l’Empereur, partout, dans ces vers, l’historien seul apparaît. Avouons-le nettement, et je me tiens pour assuré qu’il ne me saurait point mauvais gré de ma franchise, M. de Mazade n’était pas né poète. Ces Odes, à parler franc, ne sont que les essais d’un rhétoricien méridional qui a lu les bons auteurs, Chénier, Lamartine, Victor Hugo et le poète inégal et superbe des Iambes et du Pianto, Auguste Barbier. Il y manque l’invention de l’image, le goût des belles formes, le sens de la beauté et de la musique des mots, tout cet art complexe, naïf et savant, qui prête à l’éternelle poésie, suivant la nature et la qualité de l’artiste qu’elle inspire, un son nouveau, une nouvelle vie. Mais à quoi bon insister ? Ces Odes ne sont qu’un péché, une erreur de jeunesse où M. de Mazade eut l’esprit de ne jamais plus retomber. La grave Muse de la Politique, dont j’ignore le nom, et celle de l’Histoire, la glorieuse Clio, l’en ont depuis si longtemps absous et consolé !

Les années qui suivirent, jusqu’en 1846, furent pour M. de Mazade des années d’apprentissage. Il s’essaya dans divers journaux, à la Revue de Paris, à la Presse. « Sainte-Beuve, que j’avais rencontré par hasard, dit-il, me tira de là et m’appela à la Revue. » Dans cette courte phrase tient toute une part de la psychologie de celui qui l’a écrite. On y lit clairement une hautaine indifférence pour le reste de la presse périodique, en même temps que l’amour exclusif et passionné qu’il garda jusqu’à la mort à sa chère Revue des Deux Mondes, à celle qu’il nomme simplement et par une sorte d’orgueilleuse fami-