Page:Heredia - Discours de réception, 1895.djvu/17

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liarité la Revue, c’est-à-dire la Revue par excellence, sans rivale, la seule. « Il n’y eut pas, poursuit-il, dix paroles échangées entre Buloz et moi pour mon entrée, et depuis vous savez l’histoire. » Qui ne sait, en effet, l’histoire de ces quarante-sept années de collaboration que la mort seule put rompre ? Il n’est guère, je crois, dans les pactes humains, d’exemple de plus parfaite constance et d’une si longue fidélité mutuelle.

Le récit de la vie de M. de Mazade s’arrête ici. L’homme est absorbé par l’œuvre. Nous allons essayer de l’y suivre et nous l’y retrouverons avec ses qualités d’origine et la mâle vertu d’un esprit lucide et droit.

L’œuvre est considérable. Au premier coup d’œil, elle semble singulièrement diverse, dispersée. On serait donc tenté de n’attribuer à son auteur que le mérite déjà rare d’avoir été un publiciste éminent, d’une érudition sûre, d’un esprit judicieux, libéral et modéré, d’une âme élevée, d’un talent austère. Un tel jugement, malgré ce qu’il peut avoir de flatteur, ne serait pas équitable. Bien qu’il paraisse s’appliquer assez exactement à cette longue suite d’articles, à ces nombreuses études françaises ou étrangères, à ces portraits d’hommes d’État, d’écrivains et d’orateurs publiés successivement, sans ordre apparent, au cours d’un demi-siècle, il ne saurait donner une juste mesure ni de l’homme ni de son œuvre. Elle est d’un historien. Involontaire ou conscient, un lien logique en rejoint les diverses parties qui, disposées suivant l’ordre des temps et vues d’ensemble, forment un tout qui n’est pas sans grandeur, quelque chose comme une histoire