Page:Heredia - Discours de réception, 1895.djvu/26

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Révolution. Elle effaça les limites anciennes des provinces. L’amour de la patrie plus grande avait agrandi l’âme populaire. Après tant d’espérances déçues, de calamités et de victoires, le sentiment national s’exalta jusqu’à s’exaspérer. La Restauration a porté la peine imméritée du désastre de l’Empire. N’avait-elle pas bénéficié du malheur de la patrie, cette royauté dont le rétablissement semblait n’être dû qu’à l’intervention armée de l’étranger ? Jamais prince ne fut mieux fait pour atténuer, apaiser, adoucir ces rancunes humiliées que Louis-Stanislas-Xavier de Bourbon. L’homme, à vrai dire, avait toujours été de conscience peu scrupuleuse, médiocre de cœur, égoïste, indolent et sceptique. Le Roi fut d’une intelligence rare, sans préjugés, d’esprit calme et froid, du sens politique le plus juste, affiné par une triste expérience des hommes et des choses. Il eut le singulier mérite d’être libéral malgré les siens et français contre ses alliés. Le jour où prit fin l’occupation étrangère, il écrivit à son ministre : « Duc de Richelieu, j’ai assez vécu, puisque, grâce à vous, j’ai vu le drapeau français flotter sur toutes les villes françaises. »

« La Restauration, s’écrie M. de Mazade, avec un enthousiasme dont il n’est pas coutumier, a été comme le printemps libéral et intellectuel de ce siècle ! » Et, vraiment, c’est une époque féconde et brillante. La France épuisée, saignée par vingt-cinq ans de massacres, respira. Le joug de l’épée était rompu. L’esprit reprenait ses droits usurpés par la force brutale. Ce fut une revanche pacifique, une autre Renaissance. À l’abri de la vieille royauté,