Page:Heredia - Discours de réception, 1895.djvu/30

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ments n’étaient à ses yeux que des instruments de civilisation. Il a néanmoins gardé à la monarchie de Juillet la rancune d’un royaliste tombé. Jugeant les Bourbons de la branche aînée perdus, il était déjà inconsciemment républicain. Avec son don de seconde vue, il prévoyait le rôle qu’il aurait à jouer dans les catastrophes prochaines. Afin d’y mieux rêver, en même temps qu’aux grands poèmes qu’il avait conçus, il part pour l’Orient. Il veut voir le berceau des races, la terre des prophètes, méditer sur le Calvaire. À son retour, il entre à la Chambre. Il y siège au plafond, comme il dit. En politique, les combinaisons immédiates, la vie au jour le jour, le côté pratique l’intéressent peu. Il a, comme en poésie, l’imagination divinatrice, de grandes vues d’ensemble, d’une portée lointaine. Il parle. Il développe magnifiquement ses idées, ces rêves que l’avenir réalisera, en une suite de discours animés d’un souffle vraiment prophétique : sur la question d’Orient, les chemins de fer, le retour des Cendres, les fortifications de Paris, pour ne citer que les plus célèbres. C’est un voyant. Pour lui, la tribune est un trépied. Il y rend des oracles. Il a prédit, non grâce à d’obscurs ambages sibyllins, mais en termes formels, l’ouverture de l’isthme de Suez, l’immense développement des voies ferrées, les difficultés actuelles entre l’État et les grandes Compagnies, le second Empire, l’unité de l’Allemagne, le siège de Paris, la guerre civile qui s’ensuivit, que sais-je encore ? Le premier, il agite dans les Assemblées la question sociale. Une charité pour le genre humain émeut son âme généreuse. « J’ai l’instinct des masses, » écrivait-il