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dès 1828. Et, quelques années plus tard : « L’esprit social a remplacé l’esprit monarchique… » La Chambre, un instant charmée, l’écoute. Le pays l’entend.

Il est en pleine gloire. Il publie Jocelyn, l’unique grand poème moderne, à la fois sublime et familier. Deux ans après, en mai 1838, il donne la Chute d’un Ange. De conception démesurée, d’un style inégal, tour à tour splendide et trouble, la Chute d’un Ange, malgré ses incohérences et les lâchetés d’une exécution hâtive, n’en demeure pas moins le seul grand poème épique du siècle. L’année suivante, paraissent les Recueillements, son dernier livre lyrique. Il semble qu’il ait hâte de dépouiller le poète pour être plus dispos à l’action. Dès lors, l’histoire, ressuscitée ou vivante, le prend tout entier. Pour la France qui s’ennuie, il écrit les Girondins. C’est le poème de la Révolution.

L’Histoire l’a pris. L’Action le pousse, le passionne, l’enivre. Du haut de son rêve, brusquement, elle va le précipiter au pouvoir. De faibles mains, des mains de veuve et d’enfant auraient pu seules l’arrêter. Mais son destin l’entraîne. « Un grand flot de terreur, avait-il dit, me jettera au timon brisé. Une tempête ou rien ! » Son vœu prophétique s’accomplit. Il eut la tempête rêvée. De février à juin 1848, il fut l’héroïque timonier de la nef de France qui, battue par la mer, assaillie par l’orage, aux lueurs de la foudre, cingle toujours vers l’Inconnu et ne peut être submergée.

Durant ces trois mois, il a été l’âme éloquente de la patrie, l’intrépide tribun de la paix et de l’humanité. La chaise de paille, d’où, le 25 février, devant l’Hôtel de