Page:Heredia - Discours de réception, 1895.djvu/34

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ment de la politique. Son œuvre de publiciste est immense. Il y a montré des vertus et des qualités rares, un esprit ferme et sagace, un juste sentiment de l’instabilité et de la faiblesse humaines, le goût de l’honneur, une probité, un désintéressement si naturels que, même aujourd’hui, il me semblerait inconvenant de les louer. C’est après le coup d’État, dans les circonstances délicates que vous savez, qu’il fut chargé de la chronique de quinzaine à la Revue des Deux Mondes. Il la conserva jusqu’en 1858 et ne la laissa que pour la reprendre en 1865. Depuis, il ne l’a plus quittée. Elle a occupé sa vie entière jusqu’à son dernier jour, et quand, pour la première fois depuis vingt-huit ans, la Chronique parut sans signature, c’est que M. de Mazade était mort.

Ce très honnête homme, ce travailleur infatigable avait fait le rêve de finir de vivre dans sa chère maison de Flamarens et d’y goûter le repos du sage qui a rempli tout son devoir. Il n’eut même pas la consolation d’y mourir. Il n’a pas revu, une fois encore, au printemps, le petit pré que clôt un ruisselet bordé de quelques peupliers, la vigne étagée au penchant du coteau, le vieux logis familial, le jardin fleuri et ses mille rosiers qu’il avait plantés et qu’il se plaisait à cultiver de ses mains. Son corps repose dans l’humble cimetière du village. Lorsqu’il y fut ramené, ce n’était pas encore la saison des roses. Mais elles s’étaient hâtées de fleurir, pieusement, afin de parer de leur fraîcheur et d’embaumer de leur parfum le cercueil de celui qui les avait tant aimées.