Page:Heredia - Discours de réception, 1895.djvu/33

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et payer la longue rançon de tant de gloire. Il vécut. Il connut la satiété du temps. Le coup d’État de Décembre l’avait relégué dans l’ombre. Il y vieillit dix-huit ans, oublié, ruiné, accablé de soucis et de chagrins sans cesse renouvelés, n’ayant pas même le droit de désespérer, car il s’était condamné, comme on l’a justement dit, aux travaux forcés de l’honneur. Il subit sa peine jusqu’au bout et fit métier de son génie. La plume du grand cygne blanc, ainsi qu’il se plaisait à se nommer jadis, n’était plus qu’un outil servile. Osons le dire, Messieurs, la France a été ingrate envers Lamartine. Elle avait contracté, elle aussi, une dette sacrée qu’elle n’a pas payée, et ce n’est que tardivement qu’elle tresse, pour l’Ombre de ce grand poète qui fut un grand citoyen, la double couronne qui lui était due, de chêne et de laurier.

Le 27 février 1869, Lamartine fut délivré de la vie.

La Mort clémente lui épargnait d’assister au désastre de 1870. L’histoire de ces temps déplorables a été écrite par M. de Mazade, sous ce titre poignant : La Guerre de France. Malgré son haut mérite, qu’il me soit permis de n’y pas insister. Je ne ferai non plus que citer son beau livre sur M. Thiers. Vous avez tous connu M. Thiers. Vous savez mieux que je ne le saurais dire comment, grâce à l’heureux équilibre de facultés multiples et moyennes, M. Thiers parut supérieur aux plus grands et comment, lors de nos malheurs, son patriotisme toujours jeune qu’éclairait l’expérience, en fit, au seuil de l’extrême vieillesse, un personnage historique et national.

L’histoire n’était pour M. de Mazade que le délasse-