Aller au contenu

Page:Heredia - Les Trophées 1893.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
LES TROPHÉES


ARMOR


Pour me conduire au Raz, j’avais pris à Trogor
Un berger chevelu comme un ancien Évhage ;
Et nous foulions, humant son arome sauvage,
L’âpre terre kymrique où croît le genêt d’or.

Le couchant rougissait et nous marchions encor,
Lorsque le souffle amer me fouetta le visage ;
Et l’homme, par-delà le morne paysage
Étendant un long bras, me dit : Senèz Ar-mor !

Et je vis, me dressant sur la bruyère rose,
L’Océan qui, splendide et monstrueux, arrose
Du sel vert de ses eaux les caps de granit noir ;

Et mon cœur savoura, devant l’horizon vide
Que reculait vers l’Ouest l’ombre immense du soir,
L’ivresse de l’espace et du vent intrépide.