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ROMANCERO


Il l’étreignit, tâtant et palpant avec rage
Ces épaules, ces bras frêles, ces poignets blancs,
Ces mains, faibles outils pour un si grand ouvrage.

Il les serra, suprême espoir, derniers élans !
Entre ses doigts durcis par la guerre et le hâle.
L’enfant ne baissa pas ses yeux étincelants.

Les yeux froids du vieillard flamboyaient. Ruy tout pâle,
Sentant l’horrible étau broyer sa jeune chair,
Voulut crier ; sa voix s’étrangla dans un râle.

Il rugit : — Lâche-moi, lâche-moi, par l’enfer !
Sinon, pour t’arracher le cœur avec le foie,
Mes mains se feront marbre et mes dix ongles fer ! —

Le Vieux tout transporté dit en pleurant de joie :
— Fils de l’âme, ô mon sang, mon Rodrigue, que Dieu
Te garde pour l’espoir que ta fureur m’octroie ! —

Avec des cris de haine et des larmes de feu,
Il dit alors sa joue insolemment frappée,
Le nom de l’insulteur et l’instant et le lieu ;