Page:Heredia - Les Trophées 1893.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
LES CONQUÉRANTS DE L’OR

Déployaient la grandeur de leur magnificence ;
Et du nord au midi, du levant au ponent,
Couvrant tout le rivage et tout le continent,
Partout où l’œil pouvait s’étendre, la ramure
Se prolongeait avec un éternel murmure
Pareil au bruit des mers. Seul, en ce cadre noir,
Étincelait un lac, immobile miroir
Où le soleil, plongeant au milieu de cette ombre,
Faisait un grand trou d’or dans la verdure sombre.

Sur le sable marneux, d’énormes caïmans
Guettaient le tapir noir ou les roses flamants.
Les majas argentés et les boas superbes
Sous leurs pesants anneaux broyaient les hautes herbes,
Ou, s’enroulant autour des troncs d’arbres pourris,
Attendaient l’heure où vont boire les pécaris.
Et sur les bords du lac horriblement fertile
Où tout batracien pullule et tout reptile,
Alors que le soleil décline, on pouvait voir
Les fauves par troupeaux descendre à l’abreuvoir :
Le puma, l’ocelot et les chats-tigres souples,
Et le beau carnassier qui ne va que par couples
Et qui par-dessus tous les félins est cité
Pour sa grâce terrible et sa férocité,
Le jaguar. Et partout dans l’air multicolore
Flottait la végétale et la vivante flore ;