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MAJOGBÉ.

gage chez les Ogbonis, avec sa maison, ses femmes, ses esclaves, ses cauris, pour demander l’innocence de Kosioko ? Non. Vous laissez le suppliant aux Ogbonis. Vous l’abandonnez à la justice d’Oro…

Les tam-tam du temple, les gros tambours de bois, ornés de peintures de pourpre, de taches de sang, résonnèrent. Des prêtres, masqués, vêtus de rouges oripeaux, dansèrent autour de l’Akpenan et autour du suppliant, qui regardait, maigre, abruti par des semaines de cachot et de jeûne. Il semblait ne pas comprendre ; ses yeux, habitués à l’obscurité, clignotaient, brûlés par le soleil ; de ses mains, alourdies par les chaînes il faisait un abat-jour, essayant de voir. À côté de lui, son enfant, un petit garçon de dix ans, Majogbé, voyait, comprenait.

Les danseurs s’arrêtèrent. Les crieurs demandèrent de nouveau le silence pour Elado.

— Prêtres, chefs et vous hommes libres ! Cet homme qui s’appelait Kosioko, cet homme qui était un chef, cet homme qui commandait aux chemins, cet homme qui avait une maison, des femmes, des enfants et des esclaves, cet homme n’est maintenant plus rien. La cité le renie. La cité ne le connaît plus. Elle le jette comme une chose vile…

Des esclaves prirent de la poussière, de la boue, des ordures, des pierres, et ils en insultèrent Kosioko. Avec son pagne l’enfant essuya la figure du père.