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MAJOGBÉ.

La place tragique s’endormait dans le silence. Derrière les forêts du couchant le soleil tombait. Dans le ciel profond, lentes et tendres les fusions transparentes de la lumière et de la nuit s’étalaient ; des reflets pâlis mouraient sous les ombres bleues du crépuscule.

Des vols de charognards tournoyaient graves au-dessus des bombax.

Lorsque les bourreaux eurent assommé Kosioko, Maté, le grand pontife d’Oro, leur commanda de tuer aussi l’enfant.

— Il est mon esclave. Je ne veux pas qu’on le tue, répondit Elado.

D’autres Ogbonis soutinrent ce droit. Ils étaient satisfaits par la mort du père. Le meurtre du fils ne leur procurerait aucun avantage. À quoi bon détruire une chose qui pouvait être de rapport ?

Le grand pontife était tenace. Il réclama :

— Un homme qui est entré avec nous dans ce sanctuaire est condamné à mourir.

— Majogbé n’est pas un homme. C’est un enfant.

— Tout être qui a vu nos mystères doit mourir.

— Majogbé n’a point vu nos mystères, il était roulé sous des pagnes et des nattes.

— Vous êtes jeunes. Vous ne voulez pas croire la