Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
12
MAJOGBÉ.

couler dans le temple, Kosioko mourut sous le bâton, sans une plainte.

Le cadavre déferré, dépouillé de ses vêtements, fut traîné sur la place. Des exécuteurs vulgaires coupèrent la tête et la clouèrent au tronc d’un oranger fétiche. La foule insulta le corps mutilé. Chaque homme jetait un caillou. On clamait : « Tiens, maudit, que dans l’autre monde tu n’aies jamais plus grasse nourriture. Que ton âme pleure éternellement un tombeau pour tes os ! » Des amis du mort, ceux qui lui devaient des services, trouvaient des malédictions nouvelles, plus horribles que celles que les prêtres enseignent.

Les sifflements d’Oro diminuaient. Le dieu avait bu le sang d’une victime. Les hommes allaient boire le sorgho fermenté. Ils commençaient à chanter les refrains des ivresses et des plaisirs. La même fête continuait. Rien ne dispose mieux aux gaietés qu’une tuerie sanglante. Quelques vieux, des grincheux, trouvaient bien que le spectacle avait été maigre, qu’Oro s’était mis en frais pour peu de chose. Ah ! les jeunes ne savaient plus. Autrefois c’était mieux ! Et ils plaignaient, dolents, cette décadence du siècle. Les jeunes hommes riaient. La réjouissance leur suffisait. Ils avaient admiré la grimace de la tête clouée par les oreilles au tronc de l’oranger dont les blanches fleurs tombaient, avec des parfums, sur le corps lapidé.

De l’apaisement et une grande douceur venaient.