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MAJOGBÉ.

furent tranquillisés seulement à la fin du troisième jour, lorsque les servants d’Oro allèrent jeter la tête et le corps dans le bois fétiche où les suppliciés sont abandonnés sans sépulture aux esprits tourmenteurs.

Les restes de Kosioko avaient été précipités du haut d’un rocher de l’Oluman. On les voyait, tombés sur des cailloux entre des buissons morts. Le lendemain, ils avaient disparu.

Ce fut un nouveau scandale, un sujet de terreur, pour plus d’un lâche qui avait abandonné le chef.

Majogbé avait rendu les derniers devoirs à son père. Seul, dans la ville immense, il avait bravé les colères du dieu.

Pendant que les Ogbonis se disputaient, il avait pu se glisser derrière l’autel et grimper de là dans la toiture du temple. Petit, maigre, mince, il s’était tapi dans les pailles, défiant toutes recherches. Durant les nuits, il veilla dans les branches de l’oranger fétiche au-dessus du supplicié et chassa les bêtes voraces. Il vit où les servants jetèrent le corps aimé, qu’il s’était juré d’arracher aux tourments réservés dans l’autre monde aux malheureux sans sépulture. Lorsque tout dormit dans les cases et que les rues furent abandonnées aux esprits des